Recherche

Pour commencer, j’aimerais vous expliquer pourquoi et comment je me suis engagé dans la recherche. Je suis paysagiste, jardinier à mon compte et j’enseigne le paysage et l’écologie à l’École d’architecture de la Réunion depuis 2009. Une école, dans laquelle je suis récemment devenu Maître de conférences. Il y a dix ans, j’ai initié la création de l’École du jardin planétaire de La Réunion inspirée du concept de Gilles Clément, qui en est le parrain.

Après huit années d’une posture « engagée » sur ces trois activités et particulièrement sur l’éducation populaire, je souhaitais prendre du recul, tenter de théoriser, de réfléchir aux questions de fonds qui animent mon engagement. Cette démarche a beaucoup de sens pour moi dans la mesure où je souhaitais adopter une nouvelle posture face aux enjeux liées à la biodiversité et enrichir mes enseignements. 

En octobre 2019, je me suis donc engagé dans la recherche. Mon directeur de thèse est Serge Briffaud. Le laboratoire auquel je suis rattaché est l’UMR Passages à Bordeaux.

Le titre de la thèse est : « Jardin tropical et quête de la biodiversité. Transmission, évolution et renouvellement des pratiques et savoirs jardiniers à La Réunion ».

Deux hypothèses ont guidé ce travail. La première est que le « jardin » constitue un lieu stratégique pour une réponse adaptée aux enjeux écologiques contemporains liés à l’érosion de la biodiversité à l’échelle planétaire. Dans ce sens, le jardin constitue un lieu d’incubation et de transmission, de représentation notamment de soi-même et d’expression culturelles, d’un rapport à la communauté, d’où peuvent rayonner de nouvelles manières de penser et d’agir. Le jardin est donc non seulement un lieu où l’on peut potentiellement « cultiver » la biodiversité mais où l’on peut participer à sa protection et son enrichissement.

La seconde hypothèse est liée à la pratique du jardinage en milieu tropical à La Réunion dans un contexte de mutation du jardin de kaz, celui de l’évolution depuis quelques décennies des formes « traditionnelles » au profit, le plus souvent de jardins simplifiés, appauvris en biodiversité, voire minéralisés. Ce phénomène, provoqué par l’évolution du mode d’habiter et des modes de vie, reflète aussi une forme de déconnexion à la terre d’une partie des citoyens. Cependant, on assiste parallèlement, à l’émergence simultanée de nouvelles visions du jardin et du jardinage, témoignant d’une prise de conscience de plus en plus aiguisée des enjeux écologiques contemporains ainsi que d’une volonté d’agir en ce domaine.

La question centrale de cette recherche a beaucoup évoluée avec le temps, elle se résume ainsi : « Comment les jardiniers contribuent-ils, à travers l’évolution des pratiques et la transmission des savoirs, à la production d’une « biodiversité cultivée » au cœur du jardin ? »

Pour tester les deux hypothèses évoquées, j’ai fait le choix de recourir à plusieurs démarches relevant à la fois de la recherche fondamentale et de la recherche-action. La thèse s’articule autour de trois chemins correspondant à des entrées différentes dans la problématique de recherche. Le premier est la collecte de données qualitatives sur la base d’une série de 21 entretiens semi-directifs de jardiniers provenant de toute l’île. 

Le deuxième chemin est une démarche d’enquête. Il s’agit d’un retour d’expérience sur l’École du jardin planétaire de La Réunion.

Enfin, le troisième chemin est celui de la création d’un jardin expérimental conçu collectivement sur une parcelle à l’échelle d’un jardin créole « traditionnel ». Une multitude de jardiniers ont participé à cette expérience. Un inventaire du vivant a été réalisé à la fois sur la flore et la faune. Un herbier est accessible sur ce lienLa démarche  a donné lieu à un travail d’échanges, une co-conception et des travaux concrets de jardinage sur un site très intéressant. Pour en savoir plus sur le déroule de l’expérience, consultez les journaux de suivi de la démarche : Journal 2020 et Journal 2021.

Après trois années et trois mois de travail, la thèse a été déposée le 26 janvier 2023 à l’Ecole Doctorale de l’Université de Bordeaux Montaigne, elle a été soutenue le 10 mars 2023 à Bordeaux.